Nous appuyant sur la lettre ouverte de nos collègues allemands, que plus de 280 personnes ont déjà signée, nous, journalistes suisses, demandons:
- La protection des journalistes à Gaza.
- La levée de l’interdiction israélienne d’accès à la zone de guerre pour les reporters internationaux indépendant.es.
- Pas de reprise non vérifiée des représentations des parties en guerre dans les reportages ! Au lieu de cela : diversité des sources, contextualisation historique et politique, collaboration d’égal à égal avec les journalistes palestinien.es.
Notre déclaration :
A Gaza, la situation est actuellement plus dangereuse pour les journalistes que partout ailleurs dans le monde. L’organisation Reporters sans frontières indique que depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre et la guerre de Gaza, 140 professionnel.les des médias ont été tué.es par l’offensive militaire israélienne à Gaza. Au moins 31 l’ont été dans le cadre de leur travail, parfois de manière ciblée
Les attaques contre les journalistes sont des crimes de guerre. Pourtant, l’armée israélienne tue régulièrement des collègues qui étaient clairement identifiables comme représentant.es de la presse grâce à des inscriptions sur leur gilet et leur casque. Début août, l’armée a tiré sur le reporter d’Al-Jazeera Ismail al-Ghoul, 27 ans, et son cameraman Rami al-Refee. Tous les deux ont été tués.
L’armée israélienne a revendiqué cet assassinat ciblé. Raison invoquée : il se serait agit d’agents du Hamas. Aucune preuve valable n’a été présentée à l’appui de cette affirmation. En fait, la pratique israélienne consistant à accuser a posteriori de terrorisme les journalistes tués remonte à avant le 7 octobre 2023. Nous n’ignorons pas qu’il y a des journalistes à Gaza qui travaillent pour des médias proches du Hamas ou qui ont des contacts avec le Hamas. Leur assassinat est toutefois interdit par le droit international, tout comme la destruction de l’infrastructure journalistique.
Parallèlement, le gouvernement israélien continue d’empêcher l’entrée indépendante de représentant.es des médias internationaux et restreint ainsi la liberté de la presse d’une ampleur sans précédent. Aucune autre zone de guerre contemporaine n’a été aussi longtemps fermée aux reportages extérieurs que Gaza depuis le 7 octobre.
Une grande partie de la branche suisse du journalisme ne prend pourtant pas position sur ces développements dangereux. Aucun média suisse n’a participé à une lettre ouverte publiée par plus de 70 organisations internationales de médias demandant que les journalistes internationaux aient accès à Gaza. Fin août, plusieurs organisations européennes ont adressé une lettre ouverte au vice-président de la Commission européenne, Josep Borrell, pour lui demander de protéger les journalistes à Gaza. Les organisations suisses n’ont pas cosigné cette lettre.
Au lieu de cela, certaines rédactions suisses semblent accepter les restrictions flagrantes de la liberté de la presse comme un fait acquis. Certes, il y a sur place en Israël/Palestine plusieurs correspondant.es et des journalistes locaux qui font un très bon travail. Néanmoins, de grandes agences comme l’AFP et l’ATS se basent exclusivement sur des informations fournies par les autorités israéliennes pour leurs reportages. Et ce, parfois sans aucune preuve. Certaines rédactions utilisent ces informations sans les remettre en question et sans fournir le contexte nécessaire pour que les lecteurs et lectrices puissent les classer de manière critique.
En outre, les journalistes ont souvent recours à des explications simplifiées ou unilatérales, les perspectives palestiniennes n’étant que trop rarement évoquées. Depuis onze mois, des rédactions violent ainsi régulièrement des principes journalistiques comme le devoir de diligence. En présentant les événements de la guerre de manière très unilatérale, certains médias suisses contribuent à déshumaniser la population civile de Gaza. Dans le pire des cas, les violations du droit international, telles qu’elles sont largement documentées depuis des mois à Gaza, sont ainsi occultées dans les reportages – ou même justifiées. En tant que journalistes travaillant dans les médias suisses, nous ne voulons plus nous taire sur la situation de nos collègues à Gaza.
De nombreux journalistes en Suisse, intimidé.es, préfèrent ne pas s’exprimer sur Gaza, de peur d’être diffamé.es comme défenseurs du terrorisme ou antisémites. Quelle que soit la position des journalistes sur Israël/Palestine et sur les débats qui en découlent : la liberté de la presse devrait être notre préoccupation commune.
Les journalistes qui couvrent une zone de guerre doivent être protégé.es et ne doivent en aucun cas être ciblé.es et tué.es. Les journalistes indépendant.es doivent être autorisé.es à se rendre dans les zones de conflit afin que l’opinion publique mondiale soit suffisamment informée. Un État ne doit pas arrêter, torturer ou faire disparaître arbitrairement des journalistes critiques.
L’assassinat de journalistes et la destruction de l’infrastructure journalistique à Gaza sont des indices forts qui montrent que cette guerre a dépassé depuis longtemps les limites du droit international et de la proportionnalité. C’est également ce qu’indiquent les meurtres de personnel médical et de représentants d’organisations humanitaires internationales, ainsi que les attaques contre des écoles, des hôpitaux, des zones prétendument sûres ou encore le grand nombre de victimes.
Ceux et celles qui continuent à faire des reportages, à filmer et à photographier en dépit du danger omniprésent pour leur vie et leur intégrité physique méritent notre reconnaissance.
Voici la liste des signataires (classés par ordre alphabétique):
- Corinne Aublanc (journaliste Le Courrier)
- Natalie Avanzino (Neue Schweizer Medienmacher:innen NCHM*)
- Philippe Bach (journaliste Le Courrier)
- Léo Bachiri Wadimoff (journaliste RTS)
- Renato Beck (rédacteur WOZ)
- Sara Belgeri (journaliste Ringier Medien Schweiz)
- Katya Berger Andreadakis (journaliste La Tribune de Genève)
- Jean-Michel Berthoud (journaliste indépendante)
- Julie Bianchin (journaliste/documentariste indépendante)
- Lara Blatter (éditeur Tsüri)
- Francesco Bonsaver (journaliste Area)
- Sandro Brotz (journalise)
- Olmo Cerri (journaliste et cinéaste)
- Olivier Christe (journaliste WAV Recherchekollektiv)
- Anna Chudozilov (Neue Schweizer Medienmacher:innen NCHM*)
- Cecile Dallatorre (journaliste Le Courrier)
- Cejana Di Guimarães (journaliste indépendante)
- Laura Drompt (journaliste)
- Sophie Dupont (journaliste Le Courrier)
- Manuela Enggist (journaliste indépendant)
- Daniel Faulhaber (éditeur Beobachter)
- Federico Franchini (journaliste Area)
- Ronja Fankhauser (journaliste)
- Baptiste Fellay (journaliste)
- Anes Filan (journaliste CH Media)
- Annette Frei Berthoud (filmeuse documentaire)
- Adelina Gashi (journaliste indépendant)
- Enri Gastaldello (photographe et rédacteur photo)
- Stéphanie Gautschi (attachée de production RTS)
- Marie-Pierre Genecand (journaliste Le Temps)
- Fabrice Gottraux (journaliste)
- Mara Haas (éditeur Das Lamm)
- Amira Hafner-Al Jabaji (rédactrice aufbruch)
- Carlos Hanimann (journaliste Republik)
- David Herter (rédacteur Der Landbote)
- Dominique Hartmann (journaliste Le Courrier)
- Sylviane Herranz (journaliste indépendante)
- Jonas Hinck (rédacteur SRF)
- Matthias Hui (Co-directeur de la rédaction Neue Wege)
- David Hunziker (rédacteur WOZ)
- Noemi Hüsser (journaliste/productrice Ringier Médias Suisse)
- Dominic Iten (éditeur Vorwärts)
- Jan Jirát (rédacteur WOZ)
- Nicolas Julliard (journaliste RTS)
- Anna Jungen (journaliste)
- Corinne Jaquiéry (journaliste indépendante)
- Christoph Keller (auteur, reporter, podcasteur)
- Simone Keller (journaliste indépendant, rédactrice RaBe)
- Christophe Koessler (journaliste Le Courrier)
- Can Külahcıgil «Rédacteur, producteur et reporter à la radio d’information SRF»
- Teseo La Marca (journaliste indépendant)
- Mathieu Loewer (journaliste Le Courrier)
- Lotta Maier (journaliste indépendant)
- Petar Marjanović (journaliste)
- Evelin Meierhofer (journaliste)
- Thierry Meli (rédacteur megafon)
- Muriel Mérat (journaliste RTS)
- Alain Meyer (journaliste RP libre, Le Courrier)
- Marguerite Meyer (journaliste indépendante / Neue Schweizer Medienmacher:innen NCHM*)
- Giannis Mavris (journaliste / Neue Schweizer Medienmacher:innen NCHM*)
- Monique Misteli (journaliste indépendant BR)
- Geneva Moser (Co-directeur de la rédaction Neue Wege)
- Roderic Mounir (journaliste Le Courrier)
- Albina Muhtari (rédactrice en chef baba news)
- Melisa Muhtari (Video Editor SRF)
- Micaela Mumenthaler (journaliste)
- Marco Mäder (journaliste sportif Blick)
- Melissa Müller (journaliste Blick)
- Lorenz Naegeli (journaliste WAV Recherchekollektiv)
- Reto Naegeli (journaliste WAV Recherchekollektiv)
- Georg Nopper (journaliste Blick)
- Leo Nydegger (rédacteur)
- Kateri O’Neil (rédactrice TRT World)
- Benito Perez (journaliste indépendant)
- Anne Pitteloud (journaliste Le Courrier)
- Noah Pilloud (journaliste)
- Maria Pineiro (journaliste Le Courrier)
- Daniel Ribeiro (journaliste indépendant)
- Jérôme Rivollet (journaliste Le Courrier
- Pascal Ruckstuhl (journaliste indépendant)
- Sami Sabaana (journaliste indépendant)
- Delphine Sage (RTS)
- Nada Sayed-Ahmed Atieg (journaliste WAV Kollektiv & Radio LoRa)
- Samuel Schellenberg (journaliste Le Courrier)
- Jana Schmid (journaliste Hauptstadt)
- Maria-Theres Schuler (éditeur Das Lamm)
- Robin Schwarz (journaliste indépendant)
- Basil Schöni (éditeur Republik)
- Sarah Serafini (cheffe de rubrique Beobachter)
- Merita Shabani (rédactrice en chef adjointe baba news)
- Lukas Siegfried (journaliste SRF)
- Elisabeth Stoudmann (journaliste Le Temps)
- Samina Stämpfli (journaliste indépendante)
- Emilia Sulek (journaliste indépendante / Neue Schweizer Medienmacher:innen NCHM*)
- Miriam Suter (journaliste indépendante)
- Wolf Südbeck-Baur (rédacteur en chef Aufbruch)
- Léo Tarazi (video editor)
- Ayse Turcan (journaliste indépendante)
- Christophe Ungar (journaliste scientifique)
- Chloé Veuthey (journaliste)
- Robin Walz (journaliste CH Media)
- Mara Wehofsky (rédactrice)
- Basil Weingartner (journaliste indépendant)
- Natalia Widla (journaliste indépendante et auteure)
- Florian Wüstholz (journaliste indépendant)
- Christian Zeier (responsable éditorial Reflekt)
- Mélanie Zufferey (journaliste Le Courrier)
- Guy Zurkinden (journaliste Le Courrier)
Pour la transparence : Nous avons repris ici la lettre de nos collègues allemands. Des adaptations stylistiques et géographiques ont été effectuées. De plus, les références au paysage médiatique allemand ont été supprimées de la lettre (par exemple, des exemples de reportages de médias allemands ou un sondage sur la confiance de la population allemande dans les médias).
Pour signer, envoie un e-mail à info@gaza-journalisten-schuetzen.ch.
Ecris depuis ton adresse e-mail de rédaction ou envoie-nous une carte d’identité ou une carte de presse afin que nous puissions te vérifier.
Fais-nous savoir en outre sous quel titre professionnel et, le cas échéant, avec quel média tu souhaites être listé.